L’impact environnemental de la réalité mixte
- Kristen Douaud
- 7 juil.
- 6 min de lecture

Les technologies immersives (VR, AR, MR), révolutionnent depuis quelques années maintenant la façon dont les entreprises, les musées et les administrations publiques engagent leurs équipes, leur public et racontent leurs histoires.
Bien que ces technologies offrent des gains de productivité, un retour sur investissement rapide et un apprentissage personnalisé, elles soulèvent un enjeu majeur : leur impact écologique.
Dans cet article, nous vous proposons une analyse de la durabilité environnementale de la réalité mixte et d’identifier des actions concrètes pour transformer ces technologies en atouts durables.
LA RÉALITÉ MIXTE: UNE TECHNOLOGIE ENCORE PEU ÉVALUÉE ÉCOLOGIQUEMENT
Un secteur en plein essor
Depuis la pandémie de Covid 19, la réalité mixte a permis de connecter efficacement des équipes à distance. Les entreprises adoptent de plus en plus la XR pour réduire les coûts opérationnels, améliorer la productivité (jusqu’à +20 %) et renforcer l’engagement client, ce qui booste les ventes et la notoriété des marques.
Cependant, on constate un manque de données précises sur l’empreinte carbone des expériences immersives.
Les composantes à fort impact environnemental
La réalité mixte (RM) a un impact environnemental notable en raison de ses composantes matérielles, logicielles et énergétiques. La fabrication des casques, capteurs et serveurs nécessite des ressources rares et génère une forte empreinte carbone, notamment à cause des cycles de renouvellement rapide. Cependant, il faut savoir que contrairement aux PC, les casques XR utilisent des composants informatiques moins énergivores.
QUELS IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX CONCRETS ?
La réalité mixte (RM) a des conséquences environnementales concrètes à plusieurs niveaux.
Émissions de CO₂ : la fabrication et le renouvellement fréquent (mais toujours moindre que la téléphonie mobile) des casques, cartes graphiques, serveurs…) génèrent une empreinte carbone importante. Le stockage et le traitement des données nécessaires à la création de contenus RM (modélisation 3D, photogrammétrie, IA, etc.) mobilisent des infrastructures cloud et des data centers très énergivores.
Extraction de ressources rares : les composants électroniques nécessitent des terres rares, dont l’extraction produit une pollution considérable (déchets toxiques, radioactifs) et engendre des impacts sociaux importants. De plus, le recyclage de déchets électroniques reste extrêmement faible, accentuant la pression sur les ressources naturelles.
L'APPORT POSITIF DE LA RÉALITÉ MIXTE FACE AUX ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX
Outil de dématérialisation des formations
Certaines entreprises utilisent déjà la réalité mixte comme un levier de dématérialisation des formations, réduisant ainsi les déplacements, aussi bien pour les formateurs que pour les apprenants. Elle permet également de diminuer l’usage de matériel physique, souvent coûteux et à usage limité dans les formations traditionnelles. En plus de générer des économies, cette approche constitue un véritable atout en matière d’impact environnemental. On vous explique :
Grâce à l’apprentissage répétitif en environnement virtuel, les stagiaires peuvent se tromper, recommencer et progresser sans gaspiller de ressources réelles. Ils optimisent ainsi leurs gestes techniques, réduisant les erreurs une fois en situation réelle. La visualisation des erreurs en amont permet aussi à l’entreprise de limiter les pertes de matière, d’énergie ou d’outillage, tout en garantissant une montée en compétence plus efficace.
Sensibilisation
Au-delà de la formation technique, la réalité mixte est un outil efficace de sensibilisation aux enjeux environnementaux. Grâce à des expériences immersives, les collaborateurs peuvent se confronter à des situations concrètes où leurs choix ont un impact visible : mauvaise gestion des déchets, surconsommation d’énergie, gestes dangereux…
Ces mises en situation rendent les messages plus concrets et engageants, favorisant l’adoption de comportements éco responsables. La technologie devient ainsi un accélérateur de prise de conscience, au service d’une culture d’entreprise plus durable.
VERS UNE RÉALITÉ MIXTE PLUS RESPONSABLE : LES PISTES À EXPLORER
Alors que la réalité mixte s’impose comme un levier d’innovation dans de nombreux secteurs industriels et pédagogiques, la question de son impact environnemental devient incontournable. Pour concevoir des expériences plus durables, plusieurs axes peuvent être intégrés dès les phases de conception, d’utilisation, et de stockage.
On a demandé à Franck, notre directeur technique, de vous expliquer comment les processus sont optimisés pour réduire l’impact environnemental à notre échelle.
Éco-conception définition et mise en place
L'éco-conception consiste à intégrer la protection de l'environnement dès la conception des biens ou services. Elle a pour objectif de réduire les impacts environnementaux des produits tout au long de leur cycle de vie : extraction des matières premières, production, distribution, utilisation et fin de vie.
L’ADEME estime que 80% de l'empreinte carbone du numérique provient des équipements, 16% des datas centers et 5% des réseaux. Face à ce constat, les data centers dits "green" visent à réduire leur impact environnemental en optimisant leur efficacité énergétique, en utilisant des énergies renouvelables, en récupérant la chaleur produite et en limitant la consommation d’eau et de ressources pour le refroidissement.
L’éco conception commence dès la création de contenus: optimisation des textures, réduction de la géométrie 3D, compression, scripts efficaces. Une recherche conduite sur les systèmes XR/IA montre une amélioration de l’efficacité carbone jusqu'à x10 via des architectures matérielles et logicielles optimisées
Les contenus multimédia 3D en temps réel sont gourmands en ressources graphiques : modélisation 3D, animations, textures haute définition, etc. Une démarche d’éco conception numérique vise à limiter cet impact dès le design. Cela passe par :
la mutualisation des éléments (objets, textures),
la réduction du poids des assets (compression sans perte, formats adaptés comme glTF),
la limitation des calculs en temps réel (LOD, éclairage précalculé).
Chez iXiVERSE, Franck nous explique qu’intégrer l’éco-conception s’est imposé naturellement via la nature même des masques (et de leur capacité de calcul limitée), et la recherche d’optimisation : réutilisation systématique des textures et objets 3D, scripts mutualisés, archivage intelligent pour éviter les traitements inutiles. Ce faisant, ils évitent la multiplication des formats et limitent les calculs énergivores.
La maîtrise et l’organisation précise des données à télécharger participent à cette réduction
Choix de matériel durable
Privilégier la durée de vie, la réparabilité et le reconditionnement peut réduire fortement les déchets électroniques et l’empreinte carbone. Casques, ordinateurs, capteurs… Les équipements XR sont coûteux en ressources naturelles à produire.
Côté matériel, les fabricants et les utilisateurs peuvent :
Favoriser la réparabilité et la modularité (changement de lentilles, câbles, batteries),
Allonger les cycles d’usage via la location ou le reconditionnement,
Éviter les mises à jour logicielles obsolètes forçant à changer de matériel.
Acheter des appareils d’occasion ou reconditionnés
Entretenir son matériel informatique
S’assurer que le matériel soit éco-conçu (c’est à dire, qui suit un processus de fabrication bas carbone et mobilise peu de matières premières)
Recycler les appareils numériques
Concernant les logiciels, il est donc essentiel de :
Développer des applications rétro-compatibles
Ouvrir nativement les applications à un large éventail de matériel en choisissant des standards tels que l'open XR
Utiliser des outils de versionning fins, capables de stocker uniquement les modifications
Maintenir régulièrement à jour et fragmenter ses sauvegardes pour faciliter leur réemploi.
Selon le rapport de l’ONU sur les déchets électroniques (2020), seulement 17 % des 53,6 millions de tonnes d’e‑waste* générées dans le monde sont collectées et recyclées correctement.
* Le e-waste peut être défini comme l'ensemble des équipements électroniques et technologiques modernes jetés aux ordures bien qu'ils soient encore utilisables et/ou recyclables
Selon Franck, la priorité doit être donnée à la réutilisation, au nettoyage des archives et à l’utilisation d’équipements réparables ; on privilégie aussi les formats natifs optimisés pour éviter des conversions redondantes.
Utilisation du cloud et des data centers
Aujourd’hui, nous parlons souvent de l’ère du Big Data, où la production, la collecte et l’analyse de données massives sont omniprésentes dans tous les secteurs. Ces données sont exploitées pour optimiser la prise de décision, personnaliser les services et améliorer l'efficacité des entreprises. Cette évolution soulève des enjeux environnementaux de taille, notamment en raison des infrastructures nécessaires à leur stockage et à leur traitement. Le Big Data constitue ainsi une part significative de la pollution numérique.
Franck nous explique que dans la façon de travailler de l’équipe technique, les connexions cloud sont activées uniquement en cas d’usage, ils réduisent les traitements en heures creuses et archivent intelligemment, évitant ainsi le gaspillage de calculs et de stockage.
“ Un des défis majeurs reste les fichiers et équipements conservés “au cas où” : sans nettoyage régulier, ils s’accumulent et alourdissent l’infrastructure.”
Sensibilisation & évaluation des impacts
Franck souligne que l’éco-conception doit être un projet collectif : audit des méthodes, mise en place d’indicateurs d’empreinte carbone (ex. via Jyros), formation des équipes, usage massif de bonnes pratiques, tout en rappelant que “c’est avant tout une question d’économie d’échelle”.
Il faut:
Former les équipes: Il faut sensibiliser les équipes (designers, développeurs, chefs de projet) à intégrer l’éco-conception dans les projets RM. L’impact environnemental du numérique est trop souvent invisibilisé.
Mesurer pour mieux agir: Des outils permettent de qualifier l’impact d’un projet RM comme:
EcoIndex note la performance écologique d’une interface
Scaphandre mesure la consommation énergétique côté serveur
Boavizta est une base de données d'empreinte carbone du matériel IT
ACV (Analyse du cycle de vie) évalue l’impact global (matériel, cloud, usage)
Repenser les critères de réussite : L’impact environnemental doit devenir un critère de performance à part entière aux côtés de l’immersion ou de la fluidité.
CONCLUSION
La réalité mixte n’est pas neutre sur le plan environnemental, mais son impact peut être limité si elle est conçue et utilisée intelligemment. Bien pensée, elle permet de réduire les déplacements, le gaspillage matériel et d’optimiser les formations.
📣 Appel à l’action
Encourageons le dialogue entre développeurs, designers et clients industriels pour construire ensemble une XR plus sobre, utile et durable.